biographie

Thierry Bedoux grandira entre Dakar et Abidjan ; il apprendra les lois du silence et préférera les signes aux images ostentatoires. Le bois puissant vient tendre le corps de sa toile et briser la ligne plate du cadre possible. Un vent d’Orient réchauffe la toile monochrome et découvre le tissage fin aux yeux du passant. Du fond d’un abîme, la trame respire ; le tissu laisse filtrer la lumière sensuelle. Le geste du peintre, tel un démiurge est calme, précis, décisif. L’artiste soustrait, ôte toute pesanteur à la toile qui se laisse caresser  par les saveurs ocrées. Corps dépouillé saupoudré d’hématies. La peau du défunt se développe, rehaussée de cosmétiques pulvérulents qui perpétuent le trait. Repose en terre.

Les savoirs archaïques, pauvres en paroles rejaillissent des profondeurs sous la main de l’artiste. On atteint les fonds du secret, la dimension du sacré. La peinture est incarnation. La parole est faite chair. Le corps de l’œuvre se détache du sol poussiéreux, se nourrit d’une couleur sobre. La jupe de raphia cache le sexe du monde et apporte généreuse, la vibration adamantine. Voluptueux et tendre ; le tissu brut se laisse asservir par ces bras tout puissants.

Thierry pointe du doigt le sacré, ce qui ne peut être touché sans être souillé. Le fond de la toile n’est plus simple fond mais subtile forme. La toile tendue n’est plus que prétexte à résonance. Sous sa surface réticulée, riche de signes, la toile respire tel un corps conducteur. La tache macule l’espace vide et se blottit dans l’univers de l’expiation. L’art est une contention. Il retient la bête vagissante qui se nourrit de vie.

Thierry Bedoux se retire lentement de son oeuvre. Magie de la pâleur ivoirine qui se voile d’ombre. Trace laissée par la craie ou le charbon. Trace de sang témoin d’une ivresse bachique. Le corps de la toile est tendu, il s’abandonne. Rondeurs fécondes. Les Ochra, terre d’Ombre, terre de Sienne, rouge vénitien enrichissent l’offrande, gorgent le corps qui souffre. Ocelle qui s’ouvre, mystère de l’orifice qui se concentre sur le plaisir. Thierry développe cette sensibilité à la radiation solaire. Dans un geste chaste, il gratte, caresse, lèche la peau brûlante prête à céder. Corps qui se refuse, corps en alerte, l’artiste s’interdit la représentation. Il pénètre l’univers du Tout, ôte le voile intersecteur et déchire les peurs originelles. La peinture n’est plus que vibration première, volume et silence. L’artiste a enjambé le doute et crucifié la désespérance.


Philippe Laroudie

Thierry BEDOUX vit et travaille dans le Vaucluse depuis 1985. Après des études d’arts plastiques à l’Université d’Aix-en-Provence, il intègre en 1989, la Compagnie de spectacle vivant Ilotopie, qu’il quittera en 1993. De 1994 à 1995 il sera professeur d’arts plastiques à Avignon et se formera à la Publication Assistée par Ordinateur. Depuis 1996, il réalise ses œuvres et ses installations avec de la toile, du bois, des encres, des pigments et des matériaux recyclés.

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